De l'encre et du papier

De l'encre et du papier

Article sans titre

1999 - 2001, deux ans d'aller/retour, pour deux nuits le plus souvent, sans même passer par la maison de Gujan. Deux ans à faire ce trajet long comme un jour sans baisers. Deux ans à user le combiné du téléphone, à se tortiller des nuits entière dans un lit qui semblait devenu trop grand. Deux ans à se retrouver pour des nuits trop courtes , dans un hôtel. Avril 2001, je repars enfin pour un long séjour à Gujan, on va enfin se retrouver pour plus de temps, un mois. J'arrive un dimanche, le temps est à la grisaille, je m'installe, j'ouvre les volets de la maison. Il faut mettre en route le chauffage. Je me prépare une boisson chaude. Machinalement, je fais ce que je fais depuis quelques années à mon arrivée. Tous les gestes qui mettent peut à peut la maison endormie en état de vie. Le lendemain, je vais faire comme à chaque fois, les courses et puis un tour en vélo sur le port de la Hume. Les rituels qui sont comme une façon de m'approprier l'endroit que je quitte avec de plus en plus de difficulté, l'idée me trottait déjà de m'installer définitivement. 
Puis arrive le mardi, Julien doit rejoindre l'agence comme chaque semaine, il est prévu qu'il me retrouve ici entre midi et deux, il nous avait semblé bien trop long d'attendre le soir. Et les 12 heures ont sonné, puis les 13 et les 14 et puis rien. Le vide, le silence, le néant, rien, pas de Julien. N'en pouvant plus je file sur Arcachon, je laisse ma voiture sur le parking de la gare. Je descends jusqu'à l'agence, discrètement, j'essaie d'apercevoir quelque chose. J'entrevoie sa collaboratrice mais pas de Julien. Je continue mon chemin, pas trop loin, je traine, je m'éloigne un peu, je tourne en rond. Je me donne l'impression d'un fauve dans sa cage qui ne sait pas dans quelle direction aller car il se heurte à chaque fois aux barreaux de sa prison. 
Au bout de deux heures je suis rongée d'angoisse. Je prends le temps de faire une pause dans un café pour me calmer. Je sors et me dirige droit sur l'agence, je pousse la porte, et tout naturellement je demande à voir Julien M, sa collaboratrice me répond qu'il est absent aujourd'hui. 
-je peux peut-être vous renseigner, vous cherchez un bien ? 
Je lui explique dans un joli mensonge que non, mais que Mr M. m'avait vendu un bien il y a deux ans et que de passage dans le coin, je venais simplement le saluer et éventuellement discuter d'une autre affaire. Elle me dit de repasser ou d'appeler l'agence le lendemain. 
Nul besoin que je m'étale. Avril 2001, Julien a disparu. J'ai appris quelques jours plus tard, par le journal Sud Ouest, qu'il n'avait plus donné signe de vie, que sa voiture avait été retrouvée mais qu'il n'était pas rentré chez lui, que sa femme lançait un appel et sa photo là sous mes yeux sur laquelle je me suis arrêtés, comme hypnotisée, pas une larme n'a pu s'échapper ce jour là. Son téléphone aux abonnés absents, je n'ai pas su, il n'a rien dit, rien laissé supposé. 
Avril 2001, juin 2019. Dix huit ans et quelques mois, quelques jours et quelques heures, d'un espace infini entre lui et moi. Tout ce silence écrasant qu'il m'a imposé. Le voilà devant moi qui avançait, j'avais l'impression d'avoir traversé un tunnel me ramenant en arrière, un voyage dans le temps dans une Delaloréane, me ramenant en avril 2001. Étrangement j'aurai voulu partir en courant, ne pas le laisser m'approcher, ni m'expliquer, ni me détruire à nouveau. Il ne savait rien de ce que j'avais traversé après lui mais surtout, de ce que je venais encore une fois de vivre. Une autre histoire, une autre fuite mais cette fois un mort et enterré sur lequel j'avais du pleuré et fuir à mon tour. Histoires de fuites, voilà ce qu'étaient mes amours. Julien et Albert, les deux seuls hommes que j'avais voulu aimer, étaient des hommes prisonniers de leur vie. 
Je n'ai pas fuit. Il est venu à moi, je l'ai laissé parlé le premier. Les mots furent banals, j'ai tout écouté avec le fond musical des vagues. Des mots que j'ai laissé s'échapper aussitôt vers le large. Il m'a tout expliqué la tête baissée, comme un enfant qui venait se faire excuser d'une grosse bêtise. Quand il a eu terminé, je l'ai regardé dans les yeux, je lui ai dit : - merci Julien, il est tard, je dois rentrer. Prends soin de toi et S'il te plait, ne croise plus mon chemin. J'ai fait demi-tour et repris la plage en sens inverse. 
Je venais de réaliser que Julien avait quitté l'espace gardé dans mon cœur. Cet espace d'espoir que je n'avais plus ouvert depuis dix huit ans. Il s'en était enfuit comme il s'était enfuit de ma vie. Je ne me suis pas retournée, j'ai regardé droit devant et soudain je me suis sentie libre, soulagée et vidée de ces chagrins qui avaient pesés trop longtemps sur moi. La vie battait de nouveau et l'envie d'aimer tapait enfin à la porte de mon cœur guéri.
J'ai sorti Julien de 18 ans d'emprisonnement dans mon esprit. Allégée de ce poids, je pouvais regarder vers l'horizon sans voir son image flotter sur l'eau. Je pouvais envisager même de m'engager dans une histoire, sans cette arrière pensée qu'il pourrait revenir. Je pouvais et je le pouvais depuis longtemps, je me l'étais juste interdit inconsciemment. Quand Alberto avait surgit dans ma vie à l'automne 2012, j'ai pensé que lui, enfin, m'ôterait cet espoir caché au creux de moi et ce fut le cas. Hélas jusqu'au mensonge, jusqu'à ce que je retombe sur terre en découvrant l'homme qu'il était en réalité. L'homme attaché encore une fois, lâche, marié en voulant un ailleurs sans tout quitter. Ce qui fut plus lourd à guérir de lui, c'est que j'ai vécu une histoire dans le vide sidéral d'un amour qui n'existait que sur du baratin. J'ai cru qu' Alberto était différent de ceux que j'avais croisé depuis Julien. Le seul qui pouvait venir à bout de cet espoir qui bloquait la perspective d'une vie à deux. Pire que tout, Alberto m'a anéanti, abîmée jusqu'aux tréfonds de mon corps, a laissé une cicatrice telle qu'aucun soin n'a pu refermer. Il n'y a rien de pire que celui qui fait semblant d'aimer quand en face il y a la plus grande des sincérité. On appelle ce genre de personne, des pervers narcissiques, qui ne veulent que se rassurer. Aimer n'est pas leur but, il veulent être aimer pour ne jamais cesser de sentir puissant en mâle dominant. Ils ont ce besoin comme une pilule bleue, nécessaire à l'érection qui est la fonction mécanique sans laquelle ils ne peuvent pas se sentir vivants. De par cette puissante aura qu'ils exercent, les pervers narcissiques détruisent. Bien souvent ils ont la chance d'être mariés à des femmes qui ferment les yeux sur leurs écarts. Des femmes sous l'emprise de leur mari, comme le sont les maîtresses qui paient le prix fort quand elles tombent dans le piège. J'ai souvent entendu de la part d'autres femmes, qu'on payait le prix d'avoir voulu voler le mari d'une autre. Qu'elle naïveté de penser que c'est aussi simple que cette phrase méchante. Que c'est aussi facile qu'un " bien fait pour toi " ricanant qui semble venir d'une profonde jalousie ou d'une grande méconnaissance de l'amour. 
J'en étais là de mes deux grandes blessures amoureuses. Seule avec moi-même. Accompagnée de mes souvenirs, j'ai continué de marcher. J'ai marché des mois. J'ai longé l'océan tant et tant de fois que même les vagues finissaient par ne plus pouvoir effacer mes traces. J'ai usé la peau de mes pieds sur le sable fin de la Salie, cette plage au coeur de ma vie, sauvage et solitaire, au matin. J'ai posé mes larmes sous son tapis de grains beiges. J'avais l'impression que seule cette plage était capable de supporter mon poids lourd de chagrins, " chagrins d'amour durent toute une vie ..".
Cette plage amie et confidente, qui cachent les secrets dans les dunes. Qui vous prend et vous couvre de caresses sans demander de retour. La Salie, plage des mes amours enfouis et de l'amour nouveau qui a repeuplé mon âme de tendresse et de baisers. La Salie à jamais mon paradis sur cette Terre, cette Terre qui peut fournir le bien et le mal. Le bien est ce que je vois aujourd'hui en lui

@mariebuisson le 31/01/2018

 

 

 



08/02/2018
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